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Licenciement : un référentiel d’indemnisation discutable

Publié le : 02/12/2016 02 décembre déc. 12 2016

L’article 1235-1 du code du travail précise notamment que le Conseil de prud’hommes doit justifier dans son jugement des indemnités qu’il octroie sans préjudice bien évidemment des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles. Cette disposition résulte de la loi MACRON du 6 août 2015. Ce texte s’applique afin de sanctionner le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Un décret vient de rendre public ce référentiel le 25 novembre dernier .

Décret du 23 novembre 2016 portant fixation du référentiel indicatif d'indemnisation prévu à l'article L. 1235-1 du code du travail

Ce référentiel fixe le montant de l'indemnité en nombre de mois de salaire en fonction de l’ancienneté.  Le montant de l'indemnité varie ainsi d'un mois de salaire pour les salariés justifiant de moins d'un an d'ancienneté à 21,5 mois de salaire pour les salariés justifiant de 43 ans et plus d'ancienneté.
Si les deux parties sont d’accord le Conseil statuera par simple application de ce référentiel. Aucune discussion ne sera alors possible sur le montant de l’indemnisation .
En cas de désaccord le débat sera entier tant à la hausse pour le salarié ,  qu’à la baisse par l’employeur.
Les montants indiqués dans le référentiel sont augmentés d'un mois :
  • lorsque le demandeur est âgé d'au moins 50 ans à la date de la rupture du contrat ;
  • en cas de difficultés particulières de retour à l'emploi du demandeur tenant à sa situation personnelle et à son niveau de qualification.
 La loi  de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013 avait prévu une indemnité forfaitaire en cas de conciliation devant les prud'hommes. L'objectif était manifestement  de favoriser la conciliation. Cependant ce barème n'est quasiment pas appliqué. Un second projet de décret  du 23 novembre retouche ce barème   . Il est donc  réécrit afin d'être en cohérence avec le référentiel applicable devant le bureau de jugement et est plus incitatif toujours dans l'optique de favoriser la conciliation.

Ces décrets , il faut le dire  ,  ne sont pas favorable aux salariés et sont partiellement   contraires à la loi . Ce n’est pas le moindre de leurs défauts. On va le voir.
Ainsi l’article L 12535-3 du code du travail prévoit que la salarié possédant 2 ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de 10 salariés a droit à une indemnisation plancher de 6 mois de salaire.

Or le référentiel propose une indemnisation équivalente à  3 mois d’indemnité , elle est  inférieure de trois mois par rapport à la loi. Il est donc contraire celle-ci !
Il en va de même pour les salariés ayant 4 et 5 ans d’ancienneté.

Cela signifie simplement que l’application de ce référentiel est défavorable au salarié ayant une ancienneté inférieure à 5 ans .

 Ce référentiel  élude l’existence des dommages-intérêts pour licenciement abusif ou vexatoire.

En effet un licenciement, justifié ou non (Cass. soc. 10 juil. 2013, n° 12-19740), peut causer au salarié un préjudice (distinct de celui lié à la perte de son emploi) en raison des circonstances brutales ou vexatoires qui l'ont accompagné. Le salarié est fondé à demander réparation pour son préjudice moral (Cass. soc. 19 juil. 2000, n° 98-44025).
Ce dommage n'est pas propre au droit du travail, mais s'appuie sur le Code civil (art. 1134 ; 1382 et suivants).

Le nouveau référentiel ne mentionne pas ce poste de préjudice qui en tout état de cause devra être pris en compte par le Conseil de Prud’hommes s’agissant d’une demande distincte ayant un fondement juridique relevant spécifiquement du droit civil.
Enfin ce référentiel et la pratique qu’il sous-tend est contraire à la philosophie qui doit irriguer toute justice.

Un barême  peut éventuellement se justifier comme un simple outil précieux d’aide à la décision afin d’améliorer de la justice. Pour autant  il peut susciter  d’importante réticences.

Ainsi, le souci d’égalité de traitement des citoyens est remis en question  dès lors que les barèmes sont le résultat d’une construction géographique localisé par forcément transposable sur l’ensemble du territoire national . Cela  crée  une inégalité entre les citoyens relevant d’espaces différents.

Le référentiel  remet en question le principe  de l’analyse individualisée des situations d’espèces et de la pensée par dossier  (et non par catégories abstraite) . Cela remet en cause  l’individualisation inhérente à toute  décision de justice. Un référentiel  est un outil d’aide à la décision en effet  il propose une solution à partir d’un raisonnement en partie au moins déjà fait, sur la base de critère préconstruits ,  arbitraires , non  connus du Juge . En cela, il propose une décision pertinente à chaque catégorie de situations plutôt que de laisser chacun proposer une décision individuelle ajustée à une situation considérée comme irréductiblement unique . Cela tranche avec la conception traditionnelle de l’élaboration d’une décision de justice. La question cruciale est alors celle de l’indépendance des magistrats se soumettant   à un outil puissant qui n’est pas soumis au débat démocratique et qui n’a de ce fait absolument aucune légitimité. C’est également la question du Magistrat qui ne décide en définitive plus puisqu’il devient la simple voix soumise du référentiel. Il ne juge donc plus !

Le référentiel est , en outre une violation du principe d’indemnisation intégral d’un préjudice.

Être juste, dans la pratique du droit, c’est attribuer à chacun ce qui lui revient, sans excès ni défaut. Or ,  ce type de barême a pour unique objectif d’améliorer la productivité des Juges et correspond à une vision technocratique et quantitative de la justice . C’est oublier le rôle humain et social de celle-ci et du Juge et c’est bien triste et grave pour le fonctionnement de notre institution pour la simple raison que le Citoyen n’est plus écouté ni pris en considération . Cela explique vraisemblablement en partie le rejet des élites et des institutions.

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 26 novembre 2016

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